La légende qui suit a déjà été publiée dans la Patrie, il y a quelque dix ans, et en anglais dans le Century Magazine de New York, du mois d’août 1892, avec illustrations par Henri Julien. On voit que cela ne date pas d’hier. Le récit lui-même est basé sur une croyance populaire qui remonte à l’époque des coureurs des bois et des voyageurs du Nord-Ouest. Les «gens de chantier» ont continué la tradition, et c’est surtout dans les paroisses riveraines du Saint-Laurent que l’on connaît les légendes de la chasse-galerie. J’ai rencontré plus d’un vieux voyageur qui affirmait avoir vu voguer dans l’air des canots d’écorce remplis de «possédés» s’en allant voir leurs blondes, sous l’égide de Belzébuth. Si j’ai été forcé de me servir d’expressions plus ou moins académiques, on voudra bien se rappeler que je mets en scène des hommes au langage aussi rude que leur difficile métier.
This narrative is founded on a popular superstition dating back to the days of the coureurs des bois, under the French régime, and perpetuated among the voyageurs in the Canadian Northwest. The shantymen of a later date have taken up the tradition, and it is in the French settlements, bordering the St. Lawrence River, that the legends of la chasse-galerie are specially well known at the present time. The writer has met many an old voyageur who affirmed most positively that he had seen bark canoes traveling in mid-air, full of men paddling and singing away, under the protection of Beelzebub, on their way from the timber camps of the Ottawa to pay a flying visit to their sweethearts at home.
It is hardly necessary to apologize for having used in the narrative expressions typical of the rude life and character of the men whose language and superstition it is the intention of the writer to portray.
H.B.
Pour lors que je vais vous raconter une rôdeuse d’histoire, dans le fin fil; mais s’il y a parmi vous autres des lurons qui auraient envie de courir la chasse-galerie ou le loup-garou, je vous avertis qu’ils font mieux d’aller voir dehors si les chats-huants font le sabbat, car je vais commencer mon histoire en faisant un grand signe de croix pour chasser le diable et ses diablotins. J’en ai eu assez de ces maudits-là dans mon jeune temps.
Pas un homme ne fit mine de sortir; au contraire tous se rapprochèrent de la cambuse où le cook finissait son préambule et se préparait à raconter une histoire de circonstance.
On était à la veille du jour de l’an 1858, en pleine forêt vierge, dans les chantiers des Ross, en haut de la Gatineau. La saison avait été dure et la neige atteignait déjà la hauteur du toit de la cabane.
Le bourgeois avait, selon la coutume, ordonné la distribution du contenu d’un petit baril de rhum parmi les hommes du chantier, et le cuisinier avait terminé de bonne heure les préparatifs du fricot de pattes et des glissantes pour le repas du lendemain. La mélasse mijotait dans le grand chaudron pour la partie de tire qui devait terminer la soirée.
Chacun avait bourré sa pipe de bon tabac canadien, et un nuage épais obscurcissait l’intérieur de la cabane, où un feu pétillant de pin résineux jetait, cependant, par intervalles, des lueurs rougeâtres qui tremblotaient en éclairant par des effets merveilleux de clair-obscur, les mâles figures de ces rudes travailleurs des grands bois.
Joe le cook était un petit homme assez mal fait, que l’on appelait assez généralement le bossu, sans qu’il s’en formalisât, et qui faisait chantier depuis au moins 40 ans. Il en avait vu de toutes les couleurs dans son existence bigarrée et il suffisait de lui faire prendre un petit coup de jamaïque pour lui délier la langue et lui faire raconter ses exploits.
“Well, then, since you seem to desire it so very much, I will tell you a roarin’ story that ought to be a lesson to all of you. If there is among the crowd any renegade who intends to run la chasse-galerie or the loup-garou, he had better skip and go outside to see whether the owls are screeching in the storm, in converse with Old Nick himself, because I intend to begin my story by making a big sign of the cross. That will be a regular set-back to le diable, who always tries, at this time, to snatch a poor shantyman’s soul by promising him all kinds of nonsense. I have had enough of that in my young days to understand his tricks.”
Not a man moved. On the contrary, all gathered closer round the fireplace, where the cook had dragged the provision-chest, and upon which he had taken his seat on a camp-stool, preparatory to relating his experience under the wiles of the mauvais esprit.
It was on New Year’s eve of the year 1858, in the depth of the forest, in the Ross timber camp, at the head of the Gatineau River. The winter had fairly set in, and the snow outside had already piled up to the roof of the shanty. The boss, according to custom, had ordered the distribution of the contents of a small barrel of Jamaica rum among the men, and the cook had terminated early his preparations of a succulent ragout of pig’s feet and of a large tin full of glissantes for the New Year’s dinner. A big kettle, half full of molasses, was already simmering on the fire, as there was to be a candy-pull to finish the evening’s entertainment.
Every man had filled his pipe with good, strong Canadian tobacco, and a thick cloud of smoke darkened the interior of the shanty. A few pine-branches thrown at intervals on the fire produced a reddish glare that illuminated the rude faces of the men with curious effects of clair-obscur.
Joe, the cook, was a homely little man who laughed at his own physical defects, and who did not take offense when his comrades chaffed him on the subject, and called him le bossu, the hunchback. He had worked in the shanties for the last forty years, and his experience was only equaled by the facility with which he could relate his adventures when he had taken a glass of bonne vieille Jamaïque.
“I was telling you,” said Joe, “that I was a pendard in my youth, but it is long since I mended my ways, and now I never joke about religious matters. I go to confession regularly every year, and what I am about to relate took place years and years ago, when I feared ni Dieu, ni diable. It was on a night like this, a New Year’s eve, thirty-four or thirty-five years ago. Gathered round the fireplace with all the camarades, we made merry ; and if it is true, as we say in French, that ‘small rivulets make large rivers’ it is just as true that small drinks empty large barrels. And in those days, people drank more than to-day, and evenings of this kind generally ended in a boxing-match, outside, in the snow. The rhum was no better than it is to-night, but it was bougrement bon, I can assure you. I will be frank with you and tell you that about eleven o’clock my head began to feel dizzy, and I lay down on my buffalo-robe to take a nap, while waiting for the midnight jump that we always take over the head of a pork-barrel, from the old year into the new one. We will repeat the same thing to-night before we go to visit the neighboring camps to wish them the compliments of the season.
Je vous disais donc, continua-t-il, que si j’ai été un peu tough dans ma jeunesse, je n’entends plus risée sur les choses de la religion. J’vas à confesse régulièrement tous les ans, et ce que je vais vous raconter là se passait aux jours de ma jeunesse quand je ne craignais ni Dieu ni diable. C’était un soir comme celui-ci, la veille du jour de l’an, il y a de cela 34 ou 35 ans. Réunis avec tous mes camarades autour de la cambuse, nous prenions un petit coup; mais si les petits ruisseaux font les grandes rivières, les petits verres finissent par vider les grosses cruches, et dans ces temps-là, on buvait plus sec et plus souvent qu’aujourd’hui, et il n’était pas rare de voir finir les fêtes par des coups d poings et des tirages de tignasse. La jamaïque était bonne,—pas meilleure que ce soir,—mais elle était bougrement bonne, je vous le parsouête. J’en avais bien lampé une douzaine de petits gobelets, pour ma part, et sur les onze heures, je vous l’avoue franchement, la tête me tournait et je me laissai tomber sur ma robe de carriole pour faire un petit somme en attendant l’heure de sauter à pieds joints par-dessus la tête d’un quart de lard, de la vieille année dans la nouvelle, comme nous allons le faire ce soir sur l’heure de minuit, avant d’aller chanter la guignolée et souhaiter la bonne année aux hommes du chantier voisin.
Je dormais donc depuis assez longtemps lorsque je me sentis secouer rudement par le boss des piqueurs, Baptiste Durand, qui me dit:
—Joe! minuit vient de sonner et tu es en retard pour le saut du quart. Les camarades sont partis pour faire leur tournée et moi je m’en vais à Lavaltrie voir ma blonde. Veux-tu venir avec moi?
—À Lavaltrie! lui répondis-je, es-tu fou? nous en sommes à plus de cent lieues et d’ailleurs aurais-tu deux mois pour faire le voyage, qu’il n’y a pas de chemin de sortie dans la neige. Et puis, le travail du lendemain du jour de l’an?
—Animal! répondit mon homme, il ne s’agit pas de cela. Nous ferons le voyage en canot d’écorce à l’aviron, et demain matin à six heures nous serons de retour au chantier.
Je comprenais.
Mon homme me proposait de courir la chasse-galerie et de risquer mon salut éternel pour le plaisir d’aller embrasser ma blonde, au village. C’était raide! Il était bien vrai que j’étais un peu ivrogne et débauché et que la religion ne me fatiguait pas à cette époque, mais risquer de vendre mon âme au diable, ça me surpassait.
—Cré poule mouillée! continua Baptiste, tu sais bien qu’il n’y a pas de danger. Il s’agit d’aller à Lavaltrie et de revenir dans six heures. Tu sais bien qu’avec la chasse-galerie, on voyage au moins 50 lieues à l’heure lorsqu’on sait manier l’aviron comme nous. Il s’agit tout simplement de ne pas prononcer le nom du bon Dieu pendant le trajet, et de ne pas s’accrocher aux croix des clochers en voyageant. C’est facile à faire et pour éviter tout danger, il faut penser à ce qu’on dit, avoir l’œil où l’on va et ne pas prendre de boisson en route. J’ai déjà fait le voyage cinq fois et tu vois bien qu’il ne m’est jamais arrivé malheur. Allons mon vieux, prends ton courage à deux mains et, si le cœur t’en dit, dans deux heures de temps nous serons à Lavaltrie. Pense à la petite Liza Guimbette et au plaisir de l’embrasser. Nous sommes déjà sept pour faire le voyage mais il faut être deux, quatre, six ou huit et tu seras le huitième.
—Oui! tout cela est très bien, mais il faut faire un serment au diable, et c’est un animal qui n’entend pas à rire lorsqu’on s’engage à lui.
—Une simple formalité, mon Joe. Il s’agit simplement de ne pas se griser et de faire attention à sa langue et à son aviron. Un homme n’est pas un enfant, que diable! Viens! viens! nos camarades nous attendent dehors et le grand canot de la drave est tout prêt pour le voyage.
Je me laissai entraîner hors de la cabane où je vis en effet six de nos hommes qui nous attendaient, l’aviron à la main. Le grand canot était sur la neige dans une clairière et avant d’avoir eu le temps de réfléchir, j’étais déjà assis dans le devant, l’aviron pendant sur le plat-bord, attendant le signal du départ. J’avoue que j’étais un peu troublé, mais Baptiste qui passait, dans le chantier, pour n’être pas allé à confesse depuis sept ans ne me laissa pas le temps de me débrouiller. Il était à l’arrière, debout, et d’une voix vibrante il nous dit:
—Répétez avec moi!
Et nous répétâmes:
—Satan! roi des enfers, nous te promettons de te livrer nos âmes, si d’ici à six heures nous prononçons le nom de ton maître et du nôtre, le bon Dieu, et nous touchons une croix dans le voyage. À cette condition tu nous transporteras à travers les airs, au lieu où nous voulons aller et tu nous ramèneras de même au chantier!
I had slept for quite a while, when I was rudely awakened by a second boss, Baptiste Durand, who said to me : ‘Joe, it is past midnigh, and you are late for the barrel-jump. The camarades have gone to the other camps, and I am going to Lavaltrie to see my sweetheart. Will you come with me ?’
“To Lavaltrie,” said I, “are you crazy ? We are three hundred miles away from there, and you could not travel the distance in two months, through the forest, when there are no roads beaten in the snow. And what about our work the day after to-morrow ?”
“Imbécile ! don’t you understand me ? We will travel in our bark canoe, and to-morrow morning at six o’clock we will be back here for breakfast.”
“I understood. Baptiste Durand proposed that I should join him and run la chasse-galerie; risk the salvation of my soul for the fun of going to give a New Year’s kiss to my blonde at Lavaltrie. That was a little too much for me. It was true that I was a mauvais sujet, that I did not practise la religion, and that I took a drink too much now and then ; but between that and the fact of selling my soul to le diable there was a big difference, and I said : ‘No, siree ! Pas un tonnerre !’
“Oh, you are a regular old woman”, answered Baptiste tauntingly. “There is no danger whatever. We can go to Lavaltrie and back in six hours. Don’t you know that with la chasse-galerie we can travel 150 miles an hour, when one can handle the paddles as well as we all do. All there is to it is that we must not pronounce le nom du bon Dieu during the voyage, and that we must be careful not to touch the crosses on the steeples when we travel. That’s easy enough, and, to be all right, all a man has to do is to look where he goes, think about what he says, and not touch a drop of liquor on the way. I have made the trip five times, and le diable has not got me yet. Come, mon vieux, stiffen up your courage, and in two hours we will be at Lavaltrie. Think of Liza Guimbette, and the pleasure you will have in kissing her “a happy New Year.” There are already seven of us to make the trip, but we must be two, four, six, or eight, to make up the crew of the canoe.”
“Yes, that’s all right, but you must make an engagement with le diable, and he is not the kind of a bourgeois that I want to make any bargain with.”
“A simple formality if we are careful where we go and not to drink. A man is not a child, pardieu ! Come on ! The camarades are waiting outside, and the canoe is already in the clearing. Come, come !”
And I was led outside of the shanty, where I saw the six men who were awaiting us, paddle in hand. The large canoe was lying on a snowbank, and before I had time to think twice about it, I was seated in the bow, awaiting the signal to go. I must saw that my mind was somewhat confused, but Baptiste Durand, who was a hard customer, – for, it was said, he had not been to confession for seven years, – gave me no time for reflection. He was standing in the stern, and exclaimed in a ringing voice :
“Are you ready ?”
“Ready.”
“Repeat after me.”
And we repeated together :
“Satan ! king of the infernal regions, we promise to sell you our souls, if within the following six hours we pronounce le nom du bon Dieu, your master and ours, or if we touch a cross on the voyage. On that condition you will transport us through the air, wherever we may want to go, and bring us back sound and safe to the shanty. Acabris, Acabras, Acabram ! Fais nous voyager par-dessus les montagnes !”
Acabris! Acabras! Acabram
Fais-nous voyager par-dessus les montagnes
À peine avions-nous prononcé les dernières paroles que nous sentîmes le canot s’élever dans l’air à une hauteur de cinq ou six cents pieds. Il me semblait que j’étais léger comme une plume et au commandement de Baptiste, nous commençâmes à nager comme des possédés que nous étions. Aux premiers coups d’aviron le canot s’élança dans l’air comme une flèche, et c’est le cas de le dire, le diable nous emportait. Ça nous en coupait le respire et le poil en frisait sur nos bonnets de carcajou.
Nous filions plus vite que le vent. Pendant un quart d’heure, environ, nous naviguâmes au-dessus de la forêt sans apercevoir autre chose que les bouquets des grands pins noirs. Il faisait une nuit superbe et la lune, dans son plein, illuminait le firmament comme un beau soleil du midi. Il faisait un froid du tonnerre et nos moustaches étaient couvertes de givre, mais nous étions cependant tous en nage. Ça se comprend aisément puisque c’était le diable qui nous menait et je vous assure que ce n’était pas sur le train de la Blanche. Nous aperçûmes bientôt une éclaircie, c’était la Gatineau dont la surface glacée et polie étincelait au-dessous de nous comme un immense miroir. Puis, p’tit-à-p’tit nous aperçûmes des lumières dans les maisons d’habitants; puis des clochers d’églises qui reluisaient comme des baïonnettes de soldats, quand ils font l’exercice sur le Champ de Mars de Montréal. On passait ces clochers aussi vite qu’on passe les poteaux de télégraphe, quand on voyage en chemin de fer. Et nous filions toujours comme tous les diables, passant par-dessus les villages, les forêts, les rivières et laissant derrière nous comme une traînée d’étincelles. C’est Baptiste, le possédé, qui gouvernait, car il connaissait la route et nous arrivâmes bientôt à la rivière des Outaouais qui nous servit de guide pour descendre jusqu’au lac des Deux-Montagnes.
—Attendez un peu, cria Baptiste. Nous allons raser Montréal et nous allons effrayer les coureux qui sont encore dehors à c’te heure cite. Toi, Joe! là, en avant, éclaircis-toi le gosier et chante-nous une chanson sur l’aviron.
En effet, nous apercevions déjà les mille lumières de la grande ville, et Baptiste, d’un coup d’aviron, nous fit descendre à peu près au niveau des tours de Notre-Dame. J’enlevai ma chique pour ne pas l’avaler, et j’entonnai à tue-tête cette chanson de circonstance que tous les canotiers répétèrent en chœur:
Mon père n’avait fille que moi,
Canot d’écorce qui va voler,
Et dessus la mer il m’envoie:
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler!
Et dessus la mer il m’envoie,
Canot d’écorce qui va voler,
Le marinier qui me menait:
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler!
Le marinier qui me menait,
Canot d’écorce qui va voler,
Me dit, ma belle, embrassez-moi:
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler!
Me dit, ma belle, embrassez-moi,
Canot d’écorce qui va voler,
Non, non, monsieur, je ne saurais:
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler!
Non, non, monsieur, je ne saurais,
Canot d’écorce qui va voler,
Car si mon papa le savait:
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler!
Car si mon papa le savait,
Canot d’écorce qui va voler,
Ah! c’est bien sûr qu’il me battrait.
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler!
The last words were hardly pronounced, when we felt the canoe rising in the air to a height of five or six hundred feet. I felt as light as a feather, and at Baptiste’s command, we commenced paddling like sorcerers that we were. At the first stroke of the paddle the canoe shot out like an arrow, and off we went under the protecting wing of le diable himself. It fairly look my breath away, and I could hear the bow of the canoe whizzing through the crisp air of the night.
We went faster than the wind, and during the first fifteen minutes we sailed over the forest without perceiving anything else than the dark heads of the great pines. Il was a beautiful night, and a full moon lighted up the sky like the midday sun. It was terribly cold though, and our mustaches were fairly frozen, while our bodies were all in a perspiration. We were paddling like demons at work in the lower regions. We soon perceived a bright, glistening belt of clear ice, that shone like a mirror. That was the Gatineau River ; and then the lights in the farm-houses, which were mostly lit up on New Year’s eve. We began passing the tin- covered steeples as quickly as telegraph-poles fly past in a railway-train, and the spires shone in the air like the bayonets of the soldiers drilling on the Champ de Mars, in Montréal. On we went like tous les diables, passing over forests, rivers, towns, villages, and leaving behind us a trail of sparks. It was Baptiste Durand, the possédé, who steered the canoe because he knew the route, and we soon came to the Ottawa River, which we followed down to the Lac des Deux montagnes !
“Look out there,” said Baptiste ; “we will just skim over Montréal and frighten some of the fellows who may be out at this hour of the night. Joe, clear your whistle and get ready to sing your best canoe-song, “Canot d’écorce,” my boy.
The excitement of the trip had braced me up, and I was ready for anything. Already we could see the lights of the great city, and with an adroit stroke of his paddle, Baptiste brought us down on a level with the summit of the towers of Notre-Dame. I cleared my throat and sang “Canot d’écorce,” while my camarades joined heartily in the chorus.
Mon père n’avait fille que moi,
Canot d’écorce qui va voler,
Et dessus la mer il m’envoie:
Canot d’écorce qui vole, qui vole,
Canot d’écorce qui va voler! etc.
Bien qu’il fût près de deux heures du matin, nous vîmes des groupes S’arrêter dans les rues pour nous voir passer, mais nous filions si vite qu’en un clin d’œil nous avions dépassé Montréal et ses faubourgs, et alors je commençai à compter les clochers: la Longue-Pointe, la Pointe-aux-Trembles, Repentigny, Saint-Sulpice, et enfin les deux flèches argentées de Lavaltrie qui dominaient le vert sommet des grands pins du domaine.
—Attention! vous autres, nous cria Baptiste. Nous allons atterrir à l’entrée du bois, dans le champ de mon parrain, Jean-Jean Gabriel, et nous nous rendrons ensuite à pied pour aller surprendre nos connaissances dans quelque fricot ou quelque danse du voisinage.
Qui fut dit fut fait, et cinq minutes plus tard notre canot reposait dans un banc de neige à l’entrée du bois de Jean-Jean Gabriel; et nous partîmes tous les huit à la file pour nous rendre au village. Ce n’était pas une mince besogne car il n’y avait pas de chemin battu et nous avions de la neige jusqu’au califourchon. Baptiste qui était plus effronté que les autres s’en alla frapper à la porte de la maison de son parrain où l’on apercevait encore de la lumière, mais il n’y trouva qu’une fille engagère qui lui annonça que les vieilles gens étaient à un snaque chez le père Robillard, mais que les farauds et les filles de la paroisse étaient presque tous rendus chez Batissette Augé, à la Petite-Misère en bas de Contrecœur, de l’autre côté du fleuve, là où il y avait un rigodon du jour de l’an.
—Allons au rigodon, chez Batissette Augé, nous dit Baptiste, on est certain d’y rencontrer nos blondes.
—Allons chez Batissette!
Et nous retournâmes au canot, tout en nous mettant mutuellement en garde sur le danger qu’il y avait de prononcer certaines paroles et de prendre un coup de trop, car il fallait reprendre la route des chantiers et y arriver avant six heures du matin, sans quoi nous étions flambés comme des carcajous, et le diable nous emportait au fin fond des enfers.
Acabris! Acabras! Acabram
Fais-nous voyager par-dessus les montagnes
cria de nouveau Baptiste. Et nous voilà repartis pour la Petite-Misère, en naviguant en l’air comme des renégats que nous étions tous. En deux tours d’aviron, nous avions traversé le fleuve et nous étions rendus chez Batissette Augé dont la maison était tout illuminée. On entendait vaguement, au dehors, les sons du violon et les éclats de rire des danseurs dont on voyait les ombres se trémousser, à travers les vitres couvertes de givre. Nous cachâmes notre canot derrière les tas de bourdillons qui bordaient la rive, car la glace avait refoulé, cette année-là.
—Maintenant, nous répéta Baptiste, pas de bêtises, les amis, et attention à vos paroles. Dansons comme des perdus, mais pas un seul verre de Molson, ni de jamaïque, vous m’entendez! Et au premier signe, suivez-moi tous, car il faudra repartir sans attirer l’attention.
Et nous allâmes frapper à la porte.
Although it was well on toward tho o’clock in the morning, we saw some groups of men who stopped in the middle of the street to watch us go by, but we went so fast that in a twinkle we had passed Montréal and its suburbs. We were nearing the end of our voyage, and we commenced counting the steeples, – Longue-Pointe, Pointe-aux-Trembles, Repentigny, St. Sulpice, – and at last we saw the two shining spires of Lavaltrie that gleamed among the dark-green pines of the domain.
“Look out over there !” shouted Baptiste. We will land on the edge of the wood, in the field of my godfather, Jean-Jean-Gabriel. From there we will proceed on foot to go and surprise our acquaintances in some fricot or dance in the neighborhood.”
We did as directed, and five minutes later our canoe lay in a snowbank, at the edge of the wood of Jean- Jean-Gabriel. It was no small job, because the snow reached to our waists and there was no trace of any kind of a road. Baptiste, who was the most daring of the crowd, went and knocked at the door of his godfather’s house, where we could see a light, but there was no one there except a servant, who told us that the old folks had gone to a snaque at old man Robillard’s place, and that the young people of the village – boys and girls – were across the St. Lawrence at Batissette Augé’s, at the Petite Misère, below Contrecoeur, where there was a New Year’s hop.
“Let us go to the dance at Batissette Augé’s,” said Baptiste ; “we are sure to find our sweethearts over there.”
“Let us go to Batissette Augé’s !”
And we returned to our canoe, while cautioning one another against the great danger that there was in pronouncing certain words, in touching anything in the shape of a cross, and especially in drinking liquor of any kind. We had only four hours before us, and we must return to the shanty before six o’clock in the morning, if we wanted to escape from the clutches of Old Nick, with whom we had made such a desperate bargain. And we all knew that he was not the kind of a customer to let us off, in the event of any delay on our part.
“Acabris, Acabras, Acabram ! Fais nous voyager par-dessus les montagnes !” shouted Baptiste once more.
And off we went again, paddling through the air, like renegades that we were, every one of us. We crossed the river in less time than it requires to tell it, and we descended in a snow-bank close to Batissette Augé’s house, where we could hear the laughter of the dancers, and see their shadows through the bright windows.
We dragged our canoe on the riverside, to hide it among the hummocks produced by the ice-shove. “Now,” said Baptiste, in a last warning, “no nonsense ! Do you hear ? Dance as much as you can, but not a single glass of rum or whisky. And at the first sign, follow me out without attracting attention. We can’t be too careful !”
And we went and knocked at the door.
Le père Batissette vint ouvrir lui-même et nous fûmes reçus à bras ouverts par les invités que nous connaissions presque tous.
Nous fûmes d’abord assaillis de questions:
—D’où venez-vous?
—Je vous croyais dans les chantiers!
—Vous arrivez bien tard!
—Venez prendre une larme!
Ce fut encore Baptiste qui nous tira d’affaire en prenant la parole:
—D’abord, laissez-nous nous décapoter et puis ensuite laissez-nous danser. Nous sommes venus exprès pour ça. Demain matin, je répondrai à toutes vos questions et nous vous raconterons tout ce que vous voudrez.
Pour moi j’avais déjà reluqué Liza Guimbette qui était faraudée par le p’tit Boisjoli de Lanoraie. Je m’approchai d’elle pour la saluer et pour lui demander l’avantage de la prochaine qui était un reel à quatre. Elle accepta avec un sourire qui me fit oublier que j’avais risqué le salut de mon âme pour avoir le plaisir de me trémousser et de battre des ailes de pigeon en sa compagnie. Pendant deux heures de temps, une danse n’attendait pas l’autre et ce n’est pas pour me vanter si je vous dis que dans ce temps-là, il n’y avait pas mon pareil à dix lieues à la ronde pour la gigue simple ou la voleuse. Mes camarades, de leur côté, s’amusaient comme des lurons, et tout ce que je puis vous dire, c’est que les garçons d’habitants étaient fatigués de nous autres, lorsque quatre heures sonnèrent à la pendule. J’avais cru apercevoir Baptiste Durand qui s’approchait du buffet où les hommes prenaient des nippes de whisky blanc, de temps en temps, mais j’étais tellement occupé avec ma partenaire que je n’y portai pas beaucoup d’attention. Mais maintenant que l’heure de remonter en canot était arrivée, je vis clairement que Baptiste avait pris un coup de trop et je fus obligé d’aller le prendre par le bras pour le faire sortir avec moi en faisant signe aux autres de se préparer à nous suivre sans attirer l’attention des danseuses. Nous sortîmes donc les uns après les autres sans faire semblant de rien et, cinq minutes plus tard, nous étions remontés en canot, après avoir quitté le bal comme des sauvages, sans dire bonjour à personne, pas même à Liza que j’avais invitée pour danser un foin. J’ai toujours pensé que c’était cela qui l’avait décidée à me trigauder et à épouser le petit Boisjoli sans même m’inviter à ses noces, la bougresse. Mais pour revenir à notre canot, je vous avoue que nous étions rudement embêtés de voir que Baptiste Durand avait bu un coup car c’était lui qui nous gouvernait et nous n’avions juste que le temps de revenir au chantier pour six heures du matin, avant le réveil des hommes qui ne travaillaient pas le jour du jour de l’an. La lune était disparue et il ne faisait plus aussi clair qu’auparavant et ce n’est pas sans crainte que je pris ma position à l’avant du canot, bien décidé à avoir l’œil sur la route que nous allions suivre. Avant de nous enlever dans les airs, je me retournai et je dis à Baptiste:
—Attention! là, mon vieux. Pique tout droit sur la montagne de Montréal, aussitôt que tu pourras l’apercevoir.
—Je connais mon affaire, répliqua Baptiste, et mêle-toi des tiennes!
Et avant que j’aie eu le temps de répliquer:
Acabris! Acabras! Acabram!
Fais-nous voyager par-dessus les montagnes!
Old Batissette came and opened the door himself, and we were received with open arms by the guests, who knew us all.
“Where do you come from ?”
“I thought you were in the chantiers, up the Gatineau ?”
“What makes you come so late ?”
“Come and take a smile.”
Ce fut encore Baptiste qui nous tira d’affaire en prenant la parole:
Baptiste came to the rescue by saying : “First and foremost, let us take our coats off, and give us a chance to dance. That’s what we came here for, and if you still feel curious in the morning, I will answer all your questions.”
For my part, I had already spied Liza Guimbette, who was chatting away with little Boisjoli of Lanoraie. I made my révérence in due style, and at once asked for the favor of the next dance, which was a four-handed reel. She accepted with a smile that made me forget that I had risked the salvation of my soul to have the pleasure of pressing her soft white hand in mine and of cutting pigeonwings as her partner. During two hours the dancing went on without stopping, and, if I do say so myself, we shanty fellows cut a shine in the dance that made the hayseeds tired before morning. I was so busy with my partner that at first I did not notice that Baptiste was visiting the buffet rather often with some of the other boys, and once I caught him lifting his elbow in rather a suspicious manner. But I had no idea that the fellow would get tipsy, after all the lecturing he had given us on the road. When four o’clock struck, all the members of our crew began to edge out of the house without attracting attention, but I had to drag Baptiste before he would consent to go. At last we were all out, with just two hours before us to reach the camp, and three hundred miles to ride in our canoe, under the protection of Beelzebub. We had left the dance like wild Indians without saying good-by to anybody, not even to Liza Guimbette, whom I had invited for the next cotillon. I always thought that she bore me a grudge for that, because when I reached home the next summer she was Madame Boisjoli.
We found our canoe all right in the hummocks, but I need hardly tell you that we were all put out when we found that Baptiste Durand had been drinking. He was to steer the boat, and we had no time to lose in humoring the fancies of a drunken man. The moon was not quite so bright as when we started from the camp, and it was not without misgivings that I took my place in the bow of the canoe, well decided to keep a sharp lookout ahead for accidents. Before starting I said to Baptiste :
“Look out, Baptiste, old fellow ! Steer straight for the mountain of Montréal, as soon as you can get a glimpse of it.”
“I know my business,” answered Baptiste sharply, “and you had better mind yours.”
What could I do ? And before I had time for further reflections :
Acabris! Acabras! Acabram!
Fais-nous voyager par-dessus les montagnes!
Et nous voilà repartis à toute vitesse. Mais il devint aussitôt évident que notre pilote n’avait plus la main aussi sûre, car le canot décrivait des zigzags inquiétants. Nous ne passâmes pas à cent pieds du clocher de Contrecœur et au lieu de nous diriger à l’ouest, vers Montréal, Baptiste nous fit prendre les bordées vers la rivière Richelieu. Quelques instants plus tard, nous passâmes par-dessus la montagne de Belœil et il ne s’en manqua pas de dix pieds que l’avant du canot n’allât se briser sur la grande croix de tempérance que l’évêque de Québec avait plantée là.
—À droite! Baptiste! à droite! mon vieux, car tu vas nous envoyer chez le diable, si tu ne gouvernes pas mieux que ça!
Et Baptiste fit instinctivement tourner le canot vers la droite en mettant le cap sur la montagne de Montréal que nous apercevions déjà dans le lointain. J’avoue que la peur commençait à me tortiller, car si Baptiste continuait à nous conduire de travers, nous étions flambés comme des gorets qu’on grille après la boucherie. Et je vous assure que la dégringolade ne se fit pas attendre, car au moment où nous passions au-dessus de Montréal, Baptiste nous fit prendre une sheer et, avant d’avoir eu le temps de m’y préparer, le canot s’enfonçait dans un banc de neige, dans une éclaircie, sur le flanc de la montagne. Heureusement que c’était dans la neige molle, que personne n’attrapa de mal et que le canot ne fut pas brisé. Mais à peine étions-nous sortis de la neige que voilà Baptiste qui commence à sacrer comme un possédé et qui déclare qu’avant de repartir pour la Gatineau il veut descendre en ville prendre un verre. J’essayai de raisonner avec lui, mais allez donc faire entendre raison à un ivrogne qui veut se mouiller la luette. Alors, rendu à bout de patience, et plutôt que de laisser nos âmes au diable qui se léchait déjà les babines en nous voyant dans l’embarras, je dis un mot à mes autres compagnons qui avaient aussi peur que moi, et nous nous jetons tous sur Baptiste que nous terrassons, sans lui faire de mal, et que nous plaçons ensuite au fond du canot,—après l’avoir ligoté comme un bout de saucisse et lui avoir mis un bâillon pour l’empêcher de prononcer des paroles dangereuses, lorsque nous serions en l’air. Et:
Acabris! Acabras! Acabram!
nous voilà repartis sur un train de tous les diables, car nous n’avions plus qu’une heure pour nous rendre au chantier de la Gatineau. C’est moi qui gouvernais, cette fois-là, et je vous assure que j’avais l’œil ouvert et le bras solide. Nous remontâmes la rivière Outaouais comme une poussière jusqu’à la Pointe à Gatineau et de là nous piquâmes au nord vers le chantier. Nous n’en étions plus qu’à quelques lieues, quand voilà-t-il pas cet animal de Baptiste qui se détortille de la corde avec laquelle nous l’avions ficelé, qui s’arrache son bâillon et qui se lève tout droit, dans le canot, en lâchant un sacre qui me fit frémir jusque dans la pointe des cheveux. Impossible de lutter contre lui dans le canot sans courir le risque de tomber d’une hauteur de deux ou trois cents pieds, et l’animal gesticulait comme Lin perdu en nous menaçant tous de son aviron qu’il avait saisi et qu’il faisait tournoyer sur nos têtes, en faisant le moulinet comme un Irlandais avec son shilelagh. La position était terrible, comme vous le comprenez bien. Heureusement que nous arrivions, mais j’étais tellement excité, que par une fausse manœuvre que je fis pour éviter l’aviron de Baptiste, le canot heurta la tête d’un gros pin et que nous voilà tous précipités en bas, dégringolant de branche en branche comme des perdrix que l’on tue dans les épinettes. Je ne sais pas combien je mis de temps à descendre jusqu’en bas car je perdis connaissance avant d’arriver, et mon dernier souvenir était comme celui d’un homme qui rêve qu’il tombe dans un puits qui n’a pas de fond.
And up we went again like lightning, steering southwest, if the wild way in which Baptiste managed our boat could be called steering. We passed over the steeple of the church at Contrecoeur, coming pretty close to it, but instead of going west Baptiste made us take a sheer toward the Richelieu River. A few minutes later we were skimming over Beloeil Mountain, and we came within ten feet of striking the big cross that the Bishop of Quebec planted there, during a temperance picnic held a few years before by the clergy of his diocese.
“To the right, Baptiste ! steer to the right, or else you will send us all to le diable if you keep on going that way.”
And Baptiste did instinctively turn to the right, and we steered straight for the mountain of Montréal, which we could perceive in the distance by the dim lights of the city. I must say that I was becoming frightened, because if Baptiste kept on steering as he had done, we would never reach the Gatineau alive, and le diable was probably smacking his lips, as I supposed, at the bare idea of making a New Year’s mess of us. And I can tell you that the disaster was not long in coming. While we were passing over the city, Baptiste Durand uttered a yell, and, flourishing his paddle over his head, gave it a twist that sent us plunging into a snow-drift, in a clearing on the mountain-side. Luckily the snow was soft, and none of us were hurt, nor was the canoe injured in any way. But Baptiste got out and declared most emphatically that he was going down-town to have un verre. We tried to reason with him, but our efforts proved useless, as is generally the case with les ivrognes. He would go down if le diable himself were to catch hold of him on the way. I held a moment’s consultation with mes camarades, and, before Baptiste knew what we were about, we had him down in the snow, where we bound him hand and foot so as to render him incapable of interfering with our movements. We placed him in the bottom of the canoe, and gagged him so as to prevent him from speaking any words that might give us up to perdition.
And “Acabris ! Acabras ! Acabram !” up we went again, this time steering straight for the Gatineau. I had taken Baptiste’s place in the stern. We had only a little over an hour to reach camp, and we all paddled away for dear life and eternal salvation. We followed the Ottawa River as far as the Pointe-Gatineau, and then steered due north by the polar star for our shanty. We were fairly flying in the air, and everything was going well when that rascal of a Baptiste managed to slip the ropes we had bound him with and to pull off his gag. We had been so busy paddling that, the first thing we knew, he was standing in the canoe, paddle in hand, and swearing like a pagan. I felt that our end had come if he pronounced a certain sacred word, and it was out of the question to appease him in his frenzy. We had only a few miles to go to reach camp, and we were floating over the pine forest. The position was really terrible. Baptiste was using his paddle like a shillalah and making a moulinet that threatened every moment to crush in some one’s head. I was so excited that by a false movement of my own paddle I let the canoe come down on a level with the pines, and it was upset as it struck the head of a big tree. We all fell out and began dropping down from branch to branch like partridges shot from the tamarack-tops. I don’t know how long I was coming down, because I fainted before we reached the snow beneath, but my last recollection was like the dream of a man who feels himself dropping down a well without ever reaching bottom.
Vers les huit heures du matin, je m’éveillai dans mon lit dans la cabane, où nous avaient transportés des bûcherons qui nous avaient trouvés sans connaissance, enfoncés jusqu’au cou dans un banc de neige du voisinage. Heureusement que personne ne s’était cassé les reins mais je n’ai pas besoin de vous dire que j’avais les côtes sur le long comme un homme qui a couché sur les ravalements pendant toute une semaine, sans parler d’un blackeye et de deux ou trois déchirures sur les mains et dans la figure. Enfin, le principal, c’est que le diable ne nous avait pas tous emportés et je n’ai pas besoin de vous dire que je ne m’empressai pas de démentir ceux qui prétendirent qu’ils m’avaient trouvé, avec Baptiste et les six autres, tous saouls comme des grives, et en train de cuver notre jamaïque dans un banc de neige des environs. C’était déjà pas si beau d’avoir risqué de vendre son âme au diable, pour s’en vanter parmi les camarades; et ce n’est que bien des années plus tard que je racontai l’histoire telle qu’elle m’était arrivée.
Tout ce que je puis vous dire, mes amis, c’est que ce n’est pas si drôle qu’on le pense que d’aller voir sa blonde en canot d’écorce, en plein cœur d’hiver, en courant la chasse-galerie; surtout si vous avez un maudit ivrogne qui se mêle de gouverner. Si vous m’en croyez, vous attendrez à l’été prochain pour aller embrasser vos p’tits cœurs, sans courir le risque de voyager aux dépens du diable.
Et Joe le cook plongea sa micouane dans la mélasse bouillonnante aux reflets dorés, et déclara que la tire était cuite à point et qu’il n’y avait plus qu’à l’étirer.
About eight o’clock the next morning, I awoke in my bunk, in the cabin, whither some of our camarades had conveyed us after having found us to our necks in a neighboring snow-bank, at the foot of a monster pine- tree. Happily, no one was seriously hurt, although we were all more or less bruised and scratched, some having secured even black eyes in our way down from the tree-top. We were all thankful that nothing worse had befallen us, and when the camarades said that they had found us sleeping away in the snow the effects of the previous night’s frolic, not one of us had anything to say to the contrary. We all felt satisfied that our escapade with Old Nick remained unknown in the camp, and we preferred leaving our chums under the impression that we had taken un verre too many, to telling them of the bargain we had made to satisfy a passing fancy. So far as Baptiste Durand was concerned, there is no doubt that he had forgotten the latter part of his voyage, but he never alluded to the fact, and we followed his example. I was not till many years afterward that I related the story of our aventures, just as they happened on that memorable New Year’s eve.
All I can say, my friends, is that it is not so amusing as some people might think, to travel in mid-air, in the dead of winter, under the guidance of Beelzebub, running la chasse-galerie, and especially if you have un ivrogne to steer your bark canoe. Take my advice, and don’t listen to any one who would try to rope you in for such a trip. Wait until summer before you go to see your sweethearts, for it is better to run all the rapids of the Ottawa and the St. Lawrence on a raft, than to travel in partnership with le diable himself.
And Joe, the cook, dipped a ladleful of boiling molasses from the big kettle on the fire, and declared that everything was now ready for the candy-pull.
Honoré Beaugrand. «La chasse-galerie : légendes canadiennes» La Bibliothèque électronique du Québec. 1890.
Honoré Beaugrand. “Fantastic tales” La Bibliothèque électronique du Québec. 1892.
Henri Julien. «Canot d'écorce qui vole, scène de la chasse-galerie» Musée national des beaux-arts du Québec. 1906. Source de l’image : Wikipédia.
Henri Julien. “Study for La Chasse-galerie” Musée national des beaux-arts du Québec. 1906. Image source: Wikipedia.